Les aidants familiaux sont les proches qui « viennent en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne », selon la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV). Pour la personne fragilisée, des suites du handicap ou des effets du vieillissement, l’aidant est souvent la seule personne sur qui compter. Pour l’aidant, c’est une responsabilité qui peut s’avérer lourde et mener à la culpabilité, notamment lors de l’accompagnement du proche aidé dans une structure adaptée à ses besoins d’accueil.
Les aidants familiaux : salariés à 51%
Selon les chiffres de la Fondation April et BVA, 11 millions de français accompagnent un proche fragilisé. Parmi eux, plus d’un sur deux est un actif, ce qui induit souvent une obligation de jongler entre des agendas professionnels et familiaux, et peut mener à l’épuisement. Dans ce contexte ou lorsqu’on aide un conjoint et que l’on souffre soi-même des effets du vieillissement, un sentiment de culpabilité peut intervenir. Il se manifeste par la sensation de ne pas en faire assez, de n’être pas assez disponible ou de ne pas pouvoir continuer à héberger la personne aidée.
Ce sentiment peut donc avoir de nombreuses formes mais aussi des facteurs différents dont nous tâcherons de donner ici un aperçu (et des pistes de solutions !).
L’aidant familial et la culpabilité
Culpabilité de ne pas en faire assez
Il revient souvent à l’aidant familial de réaliser énormément de tâches. A mesure que diminue l’autonomie de son proche aidé, l’aidant fait de plus en plus de choses. Pourtant, il est illusoire et dangereux d’espérer tout faire seul(e). En plus d’une vie familiale et professionnelle souvent bien chargée, l’aidant doit s’occuper des démarches administratives, de la coordination des soins, des tâches du quotidien de son proche…
Le court métrage Mémo, réalisé par les étudiants de l’école des Gobelins, montre avec justesse « l’envie de tout faire » d’une aidante auprès de son père malade d’Alzheimer. Une envie légitime d’aider, qui peut se payer de beaucoup de fatigue et d’un sentiment d’oppression chez le proche aidé.
Culpabilité de ne pas avoir la bonne attitude avec la personne aidée
Les maladies neuro-évolutives comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie à corps de Lewy peuvent provoquer des sautes d’humeur, des énervements, etc. Plus couramment comme c’est le cas dans de nombreuses pathologies mentales, c’est l’impression que le malade « fait exprès » ou qu’il « pourrait faire un effort » qui peut provoquer des pertes de patience chez l’aidant. La culpabilité qui en résulte parfois vient du fait de s’énerver contre une personne dont on connait l’état. On se sent alors coupable de ne pas adopter la bonne attitude.
Culpabilité d’être impuissant(e) face à la maladie
Voir son proche perdre en autonomie est une épreuve difficile. De nombreux aidants ressentent de la colère dû à l’impuissance de faire face au handicap, à Alzheimer ou Parkinson. Et avec cette colère vient souvent la culpabilité de ne pas pouvoir agir, malgré les efforts consentis.
Culpabilité de devoir recourir à des services extérieurs
Enfin, l’aidant familial ressent souvent une forme de culpabilité à demander de l’aide aux professionnels. Dans le cas de l’EHPAD en particulier, dont 80% des personnes âgées pensent qu’il rime avec « perte d’autonomie », le choix d’y déménager relève souvent du dernier recours. Pour les aidants, c’est une chose difficile. Il s’imagine abandonner cette personne avec qui ils ont partagé une partie de leur vie. Agir à l’encontre de la volonté de leur proche peut provoquer un fort sentiment de culpabilité.
Pourtant l’aidant ne peut pas porter seul le poids – non pas de son proche – mais de la situation de son proche. Recourir à l’aide des dispositifs en place et des professionnels de l’accueil ne sera pas vécu comme une chose culpabilisante si ce choix se fait avec la personne aidée, en faveur de sa santé, de sa sérénité et de son autonomie. Il est donc plutôt question de trouver la bonne solution de logement, que de reculer au plus tard le moment inévitable d’y recourir… au risque d’attendre qu’un accident se produise.
Aidants et accueillant familial
Dans le cas de l’accueil familial, il est courant que l’aidant familial ou les aidants familiaux ressentent une forme de culpabilité à recourir aux familles d’accueil agréées pour leurs proches. 92% des personnes qui prennent contact avec CetteFamille sont des aidants, le choix vient donc rarement de la personne future-accueillie. Le sentiment des personnes aidantes est alors : « Je me sens coupable de ne pas accueillir mon proche chez moi ».
Ce sentiment est naturel. Pourtant, les familles d’accueil pour personnes âgées ou handicapées ne sont pas des concurrentes aux familles naturelles ou aux proches aidants. Ce sont des professionnels qui, travaillant chez eux, n’ont pas vocation à remplacer l’attention d’une famille proche. A la différence de cette dernière, leur rôle est de décharger la personne accueillie et l’aidant de toute l’organisation de la vie, de la coordination des soins et des tâches administratives tout en assurant la sécurité et la sérénité de l’accueilli. Un excellent moyen de passer plus de temps ensemble. Et un temps de meilleur qualité que celui qui contraint l’aidant à s’occuper de tout sur un temps souvent réduit, en soirée et le weekend.
Apprenez-en plus dans la FAQ « Qui sont les accueillants familiaux ? ».
Dans notre websérie Le quotidien en accueil familial, Françoise et Claudine profitaient d’un échange convivial avec leurs familles sous le regard de Sophie, leur accueillante familiale. La famille d’accueil n’est pas une remplaçante de la famille naturelle, mais une facilitatrice professionnelle permettant de retrouver plus de sérénité, de sécurité et de confort dans la relation à son proche.
Que faire lorsqu’on se sent coupable ?
Penser au bien de la personne aidée
La culpabilité est un sentiment naturel, mais qui peut rejaillir sur le bien de la personne aidée. Pour ne plus se sentir coupable, il est essentiel de se demander ce qui est le mieux pour la personne que l’on aide. Rester seul(e) en charge de son proche n’est efficace que jusqu’à un certain point. Au-delà d’une certaine perte d’autonomie, il devient difficile, épuisant et même dangereux de continuer à assumer ce rôle parce qu’on culpabilise de demander de l’aide ou de se reposer.
Prendre soin de soi-même et recourir au droit au répit des aidants
L’abnégation de l’aidant familial est un problème de société. Parce qu’il est en bonne santé par rapport à la personne aidée, l’aidant néglige parfois de se soigner lui-même et peut aller jusqu’à l’épuisement ou au burn-out. Il est pourtant indispensable de se ménager pour soi, pour ses proches, et aussi pour donner à la personne aidée une meilleure aide à tous les niveaux.
Le droit au répit des aidants existe, pourtant la majorité de ceux qui y ont droit n’y recourent pas. Le plus souvent par méconnaissance des dispositifs. Il est très important de se tenir informé(e) grâce aux associations comme France Alzheimer, la Compagnie des Aidants ou Je t’aide par exemple, qui sauront vous rediriger vers les services associés dans votre département.
Pour en savoir plus, consultez notre page « droit au répit des aidants ».
Ne pas rester seul(e) et ne pas hésiter à demander de l’aide à son tour
Beaucoup d’aidants ressentent un épuisement et une fatigue chronique dus à leur isolement. Essayer de tout faire pour, ou à la place, de la personne aidée est une tentation qui provoque souvent une fatigue très importante… doublée de la culpabilité de ne pas pouvoir tout faire. Or, il est essentiel de communiquer avec son entourage et de demander de l’aide à son tour. Les proches, conjoints, enfants, mais aussi les voisins de l’aidé(e), son entourage immédiat, les commerçants du quartier peuvent être des relais précieux pour créer un environnement bienveillant autour de la personne fragile et décharger son aidant. C’est la logique « Dementia Friendly » importée en France par France Alzheimer dans l’Orne notamment, comme l’évoquait Etienne Trouplin dans un interview à CetteFamille.
L’employeur de l’aidant est aussi un acteur essentiel dans le droit au répit. De nombreuses entreprises sont compréhensives et mettent en place des solutions d’assistance à leurs salariés aidants familiaux.
Pour conclure, il est important pour l’aidant familial de ne pas imposer son propre regard à celui du proche aidé. En plus d’un sentiment de culpabilité, l’action de vouloir l’accompagner dans une situation qui requiert des compétences bien précises peut s’avérer contre-productive. Des formations tant physique (aide à la toilette, aide au levée, prise des repas,…) que psychologique (bientraitance, compréhension des maladies neuro-évolutives, sophrologie,..), appliquées par des professionnels sont nécessaires à la prise en charge. Il convient de s’entourer de professionnels, de se décharger un peu, afin de conserver la meilleure qualité de vie. Aussi bien pour la personne elle-même que pour son proche aidant.