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Rencontre avec Paul-Alexis Racine-Jourdren, Président de CetteFamille

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Avec son service de mise en relation et de suivi administratif de la relation accueillant/accueilli, l’entreprise sociale et solidaire a donné un coup de projecteur à l’accueil familial. Active partout en France elle traite 3 500 appels chaque mois et travaille avec plus de 2 500 professionnels et partenaires, tout en générant des centaines de milliers de vues sur ses vidéos. Rencontre avec le Président de l’organisme qui prône une ouverture large à tous les partenaires et un renforcement du statut de l’accueillant familial. Dans cet échange, il répond notamment aux questions sur notre modèle économique.

Rencontre avec Paul-Alexis Racine-Jourdren

Trois ans après la création de CetteFamille, où en êtes-vous ?

Nous avons créé CetteFamille avec une mission simple : contribuer à améliorer le système d’hébergement des personnes en perte d’autonomie avec une approche innovante en partenariat avec toutes les bonnes volontés et les acteurs de demain. Nous voulons permettre d’améliorer l’expérience des bénéficiaires, des aidants et l’accès à l’hébergement en familles d’accueil en facilitant l’ensemble de la gestion administrative. Tout le développement de CetteFamille repose sur cette ambition. L’engouement a largement dépassé ce que nous avions prévu initialement.

Aujourd’hui, 3 500 accueillants, 3 000 aidants et 25 partenaires associatifs utilisent les services de CetteFamille.

Est-ce que CetteFamille est rentable ?

Non, nous ne le sommes pas car nous travaillons et nous investissons sur le temps long. Par ailleurs, nous pratiquons un tarif social pour les personnes en fragilités financières et n’avons bénéficié d’aucun argent public. Ce qui explique aussi le choix des partenaires qui nous accompagnent. Nous partageons tous une même vision humaniste avec comme objectif numéro 1 de proposer des solutions d’hébergement chaleureuses et souhaitables pour les plus fragiles.

C’est pourquoi nous sommes accompagnés par exemple par Bpifrance et Normandie participations. Ce sont deux acteurs reconnus du financement de long terme. Ils s’inscrivent dans la même ligne sociale et solidaire et partagent ces sujets avec nous.

Votre solution a-t-elle évolué depuis votre lancement ?

Oui car au début nous n’avions qu’une vocation : celle de proposer aux accueillants familiaux et au dispositif en général de gagner en visibilité. Puis nous avons été sollicités par des aidants et des accueillants pour les accompagner sur le volet administratif du dispositif qui se complexifie et qui nécessite de plus en plus de connaissances, aussi bien juridiques que comptables. Ces difficultés sont trop souvent un frein à l’accès au dispositif pour des personnes qui pourraient pourtant bénéficier d’une solution cohérente avec leur projet de vie.

Nous apportons aux personnes accueillies et aux aidants au sens large, un soutien administratif et une écoute de qualité, qui suit strictement les particularités et les règles de chaque Conseil départemental et permet de les décharger de nombreuses difficultés anxiogènes.

Par qui est utilisé votre service, des jeunes, des moins jeunes ?

La grande majorité des aidants et bénéficiaires que nous accompagnons sont situés à la campagne ou en zone rurale. Notre service est accessible par internet ou par téléphone, ce qui permet une couverture large et adaptée aux préférences de chacun. L’âge n’est pas un critère mais nous avons de plus en plus de petits enfants qui nous trouvent sur les réseaux sociaux et qui se préoccupent du sort de leurs grands-parents. C’est une nouveauté que nous avons su créer en communiquant aussi bien sur des canaux traditionnels que sur les nouveaux réseaux.

Nous avons tissé un lien fort avec les accueillants familiaux qui bénéficient de notre service. Ils peuvent nous appeler à toute heure entre 9h à 18h. Nous répondons à leurs questions, leur proposons des solutions ou organisons des remplacements.

Quelle est votre relation avec les Conseils départementaux ?

Cela dépend des Conseils départementaux. Certain sont très favorables et d’autres sont plus réservés. Mais quand les services comprennent que nous n’empiétons pas sur les missions régaliennes du département, qui est chef de file de l’action sociale, et qu’au contraire, nous tentons de dynamiser le dispositif et donc de faire vivre l’accueil familial, cela se passe toujours bien. Nous ne sommes pas là pour juger les départements. Ils font le plus souvent un travail remarquable au quotidien par leur présence de terrain. D’ailleurs nous militons pour que le dispositif reste à la main du département afin d’apporter une vraie garantie de qualité lors de l’attribution des agréments.

Nous sommes plutôt des partenaires. Chacun a son rôle et nous nous nourrissons de nos expériences. Le service public doit exister et survivre (il faut se battre pour un service public de qualité et que les services en question puissent avoir les moyens de leurs actions et de leurs ambitions !). CetteFamille vient en complément sur les aspects administratifs et fluidifier la notion de gré à gré qui prévaut aujourd’hui dans l’accueil familial.  Le département a souvent un rôle de chef d’orchestre, c’est normal qu’il s’assure que chacun soit dans le rang et en musique.

Le monde du médico-social est souvent cité pour sa résistance au changement, comment êtes-vous perçu comme acteur privé ?

Tout le monde a sa place et tout le monde a le droit d’exister. Nous ne défendons aucune chapelle, notre seul et unique combat : l’accueil familial. Le dispositif est aujourd’hui à repenser pour assurer plus de stabilité et de sécurité aux accueillants familiaux. C’est un combat déjà assez grand pour ne pas rester centrés sur des idées arrêtées et préconçues. Le monde associatif doit exister et il a permis des avancées qu’il faut saluer. Pour assurer une qualité de service nécessaire et continue et assurer une pérennité, il ne faut pas dépendre de subventions ou de pouvoir en place qui sont sujet à rediscutions à chaque changement d’élus. Nous sommes bien perçus par les associations de santé et par les associations d’aidants qui viennent trouver un accompagnement de qualité et une mise en avant du dispositif. Après, comme dans tous domaines, quand un nouvel acteur arrive, cela suscite passions et controverses. Ce qui peut être décevant ou surprenant, c’est de voir certains perdre du temps à véhiculer une fausse image, et lutter « contre », au lieu de profiter de ce temps à faire rayonner le dispositif et lutter « pour ». Ça n’est pas notre vision. Chez CetteFamille, nous avons toujours voulu parler à tous et cela ne changera pas. Les enjeux qui nous attendent dépassent les querelles. Nous n’avons peut-être pas le même maillot, mais nous avons la même passion. L’intelligence nous conduit à travailler ensemble.

Quel est votre modèle économique ?

Notre modèle économique est respectueux de chacun : nous prélevons au plus 2% du montant de l’accueil, sans aucun engagement, et nous adaptons nos prix pour les personnes qui rencontreraient des difficultés à rémunérer notre service. Nous ne réalisons aucun bénéfice sur la gestion administrative que nous proposons. Pour la constitution des dossiers, les entretiens, l’accompagnement et la recherche des accueillants adaptés et disponibles nous proposons un tarif fixe qui correspond à 10% du premier mois. Cela nous permet de rémunérer notre service à prix coûtant. La marge nécessaire à notre développement est réalisée en partenariat avec des mutuelles et assurances pour qui nous mettons en place des services d’accompagnement spécifiques. C’est aussi ça le principe de l’économie sociale et solidaire : tout le monde participe mais en fonction de ses capacités, et c’est très bien ainsi. Il nous faut donc trouver des activités et modes de financement alternatifs qui n’impactent pas les accueillants et les accueillis.

Qui paye votre service ?

Nous considérons les accueillants familiaux comme nos partenaires. Ce sont eux qui sont au quotidien, 24/24 et 7/7 avec les accueillis. Naturellement, nous ne leur demandons aucune cotisation ou participation financière. Leur statut est aussi un combat à mener car ils ne bénéficient ni de l’assurance chômage ni de la couverture sociale des salariés de droit commun. C’est pourquoi nous avons choisi de les accompagner gratuitement, pour ne pas pénaliser leurs ressources.

— Propos recueillis en mai 2019.

Merci à Paul-Alexis pour avoir répondu à nos questions.

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Paul-Alexis, Hélène, Nathalie (Accueillante familiale, debout) et Christelle (tutrice).
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