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Inclusion des personnes âgées : un problème d’image ?

logement inclusif

CetteFamille, en partenariat avec Silver Valley et La compagnie des aidants, organisaient le 22 novembre 2018 une rencontre sur le thème de l’inclusion. L’occasion de questionner les représentations du grand âge autour de la problématique suivante :

« L’inclusion, un idéal accessible ? »

La table ronde s’est déroulée en présence de :

  • Frédéric Pommier, journaliste à France Inter et auteur de Suzanne (Éditions des Équateurs),
  • Anne Labit, sociologue à l’Université d’Orléans et co-fondatrice de Hal’âge,
  • Jean-Bernard Mabire, Docteur en psychologie et psychologue à la Fondation Médéric Alzheimer,
  • et Nicolas Menet, directeur général de Silver Valley et auteur de La société de la longévité (Éditions Eyrolles).

Voici le résumé de leurs échanges.

Une question d’image

Les personnes ne sont pas réductibles à leur âge, à leur pathologie éventuelle, à leur situation actuelle. C’est le constat principal des intervenants de cet événement. Pour Nicolas Menet citant Marie-Anne Montchamp (présidente du CNSA), la société inclusive est d’abord question d’intégrer le libre choix des individus dans les choix qui les concernent. Ça n’est pas utopique, c’est d’abord un guide concret pour les associations, sociétés et pouvoirs publics.

La première chose à faire est de comprendre la complexité des parcours de vie. Le parcours généralement proposé est standard, mais ne correspond pas nécessairement aux besoins et projets de vie de chacun. Considérer d’un côté la « personne âgée centre de coût » et de l’autre « le senior actif centre de profit » est une impasse violente. Or, les identités de chacun ne sont pas solubles dans cette simplification, et les représentations des professionnels comme de l’opinion publique souffrent de ce clivage. Jean-Bernard Mabire le confirme : « On a tous l’idée reçue que les personnes âgées sont tristes, moroses, inactives… Or j’ai observé que les gens qui ne se connaissaient pas créaient beaucoup de lien entre elles, demandaient des nouvelles etc. Bref : l’interaction sociale existe bel et bien, et une cohésion de groupe peut émerger entre les résidents d’un EHPAD. » Même les soignants peuvent s’en étonner. Or, les échanges informels aussi participent à l’inclusion des pensionnaires dans la vie quotidienne, et donc la vie tout court, leur permettant d’interagir et de vivre ensemble.

Nicolas Menet le confirme : « En assignant des rôles sociaux aux personnes âgées, sans qu’elles s’y reconnaissent, nous tentons de mettre à distance des âges de la vie qui nous font peur. »

En résulte, d’après Anne Labit, un réel problème de prise en charge dû à la médicalisation à outrance du logement. Les EHPAD sont trop souvent construits sur le modèle du sanitaire. Pour la sociologue, ce sont des personnes elles-mêmes que peuvent venir des idées liées au « mieux vieillir ». L’EHPAD, dans lequel arrivent les personnes à des âges et des niveaux de dépendance très avancés, à tendance à dégrader leur autonomie et à nier les prises de décisions des personnes.

Des personnes comme les autres

Pour Frédéric Pommier, tout à commencé par une chronique sur France Inter. Il y parlais de Suzanne, une femme de 95 ans, sa grand mère, qui avait été intégrée en EHPAD contre son gré. Sa vie dans son établissement, « comme elle ne comprenait pas pourquoi on l’infantilisait, pourquoi on proposait si peu d’activités, une nourriture infecte, et jusqu’à de la maltraitance ». Pourtant, Suzanne est une femme généreuse, amoureuse, qui rêvait de vivre pleinement et de rallyes automobiles. Une personne comme une autre, qui ne voulait pas être réduite à son état de faiblesse.

Pour Frédéric Pommier, ce sont les manques de formation, de budget, de personnel qui rendent possibles la maltraitance. Sans jeter la pierre aux professionnels, ce sont au contraire leurs mauvaises conditions d’exercice qui déteignent sur leur métier. « Je ne savais pas grand-chose, et notamment comme le manque d’argent et la course au profit de certains établissements, pas tous, rendaient impossible la bientraitance des pensionnaires. »

Des solutions et des logements inclusifs

Anne Labit note que le prisme principal des politiques publiques et des professionnels est, en France, celui de la sécurité et non celui de la citoyenneté. Ça n’est pas le cas dans d’autres pays comme la Suède qui propose des modèles de logement alternatifs plus proches  de l’habitat inclusif. Les choses changent, toutefois, puisque le terme va entrer officiellement dans la loi via l’article 45 de la loi ELAN.

Pour Jean-Bernard Mabire : « Il faut inclure les personnes dans la société, oui ; mais aussi la société auprès des personnes. » En témoigne l’expérience d’une chorale inclusive de la Fondation Médéric Alzheimer, un vrai succès pour faire évoluer les représentations malgré le manque de bénévoles. Les stéréotypes liés aux pathologies du grand âge ont la vie dure et la chorale est aussi un moyen de changer cela. Voir Alzheimer dans la cité.

L’innovation sociale permet de co-construire avec les personnes elles-mêmes, les solutions de logement (mais pas seulement) qui leur correspondent réellement. Co-construire l’idée du vieillissement, c’est reconnaître que nous sommes toutes et tous concernés par cette prise de conscience collective. L’inclusion n’est pas un idéal, c’est une conséquence de la prise de conscience de ces logiques de déconditionnement. Pour Nicolas Menet, CetteFamille est réellement une alternative crédible au tout-EHPAD et va dans le sens de l’inclusion. L’accueil familial permet réellement de préserver l’individualité et l’identité des personnes.

Certaines formes d’habitat émergent en effet, portées par les citoyens eux-mêmes. C’est le cas des solutions de maintien à domicile comme le baluchonnage, mais aussi de l’habitat participatif. C’est le lien, la mutualisation qui permet de gérer ça, de s’entre-aider, de se connaître etc. En France, on compte environ 150 habitats participatifs de ce genre, et la demande est énorme.

Pour Frédéric Pommier enfin, c’est en traitant bien les personnes âgées, en leur laissant les moyens de conserver leur autonomie de choix, que l’on peut rendre hommage à leurs vies. Car ce sont elles qui ont fait l’histoire, et qu’il est bon de s’en souvenir comme il est bon de prendre le temps de leur demander qui ils étaient, sont encore, et ce qu’ils ont fait.

Car le vieux ce n’est pas l’autre, c’est nous dans quelques temps. Ce sont nos parents et nos proches.

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